Mission Santé 2017

Participants : Adrian ROSNER président de La Falaise,  Yves Le BARS président du CFSI et administrateur de La Falaise du 27/12/2016 au 06/01/2017.

Nous avions 5 questions à poser à Oumar Traoré, promoteur de l’Ecole d’infirmiers de Sévaré et au Dr. Moussa Saye, responsable de l’enseignement à la Direction Régionale de la Santé.

  1. Quels sont les profils et l’avenir des boursiers à recruter pour le compte de La Falaise?
  2. Comment rendre les CSCom, centre de santé communautaire, plus performants, avec quel matériel ?
  3. Quels sont les besoins en postes d’agents de santé et comment se font le recrutement et la répartition géographique des postes ?
  4. Quelle est la politique de la famille ?
  5. Quel est l’état du planning familial ?Comment résoudre le difficile recrutement des matrones ?
Rencontre avec Oumar Traoré, promoteur de l’école d’infirmiers Yoland Bresson.

Oumar Traoré (OT) a remis la direction de l’Ecole à son fils Alfousseini Traoré (AT). OT continue d’être  actif à l’école. Il faut noter que l’état malien a choisi l’école de OT pour y faire passer la session d’automne 2016 de l’examen national d’infirmiers pour la région nord. Nous avons apporté à l’école des manuels de médecine et pour infirmiers, un ordinateur, des garrots et un tensiomètre.

Réponses de OT
Le ministère public ne peut pas financer les postes nécessaires, il n’y a pas eu d’embauches récemment.
Le financement étranger est insuffisant. Il dure 4 à 5 ans. L’Afrique ne peut attendre les fonds étrangers pendant que les besoins de la population restent largement insatisfaits. Le financement est aussi dévoyé par certaines instances d’état, ce qui se couple avec une mauvaise gestion des fonds publics.
Pour être fonctionnaire de l’état il faut réussir au concours d’entrée dans la fonction publique : ont réussi ce concours 2 ou 3 élèves, c’est dire le petit nombre de postes disponibles. En conclusion, OT conseille d’identifier les besoins, en fonction du développement de la zone et des priorités identifiées par la politique de l’état.

Résultats des élèves de l’école pour l’année 2014/2015 :
Promotion de 70 élèves, dont 60% ont terminé avec succès la 3e année, 40% ont réussi à l’examen national, 20% ont des postes (soit 2 personnes).
L’école donne des Certificats de scolarité aux élèves n’ayant pas eu l’examen national. Ceux là, comme ceux ayant réussi à l’examen national sont parfois employés avec des contrats + ou – courts par des privés, des ONG et même par la MINUSMA dans ses campagnes de santé.

Quant aux matrones, les postes sont également rares.

Besoin de matériel exprimé par AT et OT

Demande de financement pour un ensemble vidéoprojecteur-ordinateur. Les professeurs font de + en + de cours avec des vidéoprojecteurs. La compréhension des élèves est meilleure. L’école n’en possède que 2, et les profs se les arrachent.
Coût d’un vidéoprojecteur et de l’ordi, neufs = 300 000 FCFA = 460 €.
Matériel d’occasion = 120 000 FCFA = 185 € (Prix de Bamako).

Rencontres avec les boursiers

Nous avons rencontré Daouda Dolo (2e cycle), Etienne Kené et Houreitou Guindo, la larme aux yeux, car elle fut reçue début janvier 2017 à l’examen national. Elle nous demande une bourse pour les études de technicienne supérieure de santé de (2e cycle). OT pense qu’elle peut y parvenir à condition qu’elle persévère dans ses études. Le CA de La Falaise (25/01/2017) a remis la décision d’accorder ou pas la bourse au prochain CA (22/ 02/ 2017).

Etienne Kené, jeune et bon élève de troisième année, voudrait aussi faire le 2e cycle et plus tard des études de médecine. Quant à Daouda, en première année du 2e cycle, il affiche une grande forme.

Nous avons rencontré à Bandiagara Ousmane Nantoumé, déjà diplômé, qui travaille au CSCOM central de la ville, payé pour un an par un fond + ou – de l’état.

Niamahady Dembélé a travaillé bénévolement au CSCom de Dandoli. La semaine dernière on lui a proposé un poste dans une « cabine » de consultation dans un village pour 25.000 F CFA (39 €) par mois.

Tous les anciens boursiers remercient La Falaise pour les avoir « faits » (donné un métier). D’autres anciens boursiers se sont manifestés par téléphone, car le téléphone Dogon fonctionne.

Autres informations

L’école paye 620 €/an à l’hôpital de Sévaré et 86 €/an aux CSCom, pour recevoir ses stagiaires.

Bilan de 2005 à 2015 des élèves ayant terminé les études : 816 présentés à l’examen national, dont 610 reçus.

Les recalés à l’examen national reçoivent un certificat d’études et comme les diplômés par le gouvernement, ils trouvent parfois du travail avec les programmes des ONG et avec la MINUSMA.

A Sévaré, nous avons eu une brève rencontre avec le directeur de l’Inspection Régionale de l’enseignement technique secondaire. Un examen parmi les profs titulaires, qui ont au moins 15 ans d’expérience, ouvre la voie à l’inspectorat, qui se fait par disciplines. Les établissements techniques privés se multiplient et sont beaucoup plus nombreux que ceux d’état.

Lors du voyage à pied entre Yendouma Ato et Bongo, nous avons recueilli deux demandes de bourses pour des études d’infirmiers. A suivre …

Rencontre avec le Dr Moussa Saye, responsable de l’enseignement à la Direction Régionale de la Santé

Le Dr. Saye est également professeur à l’école de OT et président de l’Ordre des médecins de la région de Mopti. La Direction Régionale de la Santé couvre également les écoles privées, qui sont d’ailleurs bien plus nombreuses que les écoles d’état.

Tout d’abord il confirme que l’état veut élargir la couverture de la santé à toute la population au moyen des Agents de Santé Communautaire, ASC. Les ASC sont implantés dans les villages se situant à la périphérie de rayons d’actions des CSCom dont ils dépendent, dans des zones difficilement accessibles.

Un ASC donne des Soins Essentiels de Santé (SEC), il fait des dépistages et en réfère au CSCOM, qui transmet le cas échéant à l’hôpital de référence. L’ASC traite les cas du simple palu (goutte épaisse), de la malnutrition et de certaines maladies respiratoires. La formation des ASC se fait en 2 semaines et ils partent avec un « Paquet de premier secours » limité à ces soins essentiels. Leurs moyens de locomotion sont personnels. Le recyclage des Paquets anciens est fait régulièrement.

Ces ASC, comme les aides soignants, sont payés sur les fonds de l’UNICEF et du Fond Mondial pour la Santé. Cependant ce soutien financier s’arrête en 2018, et par la suite ils seront à la charge des collectivités locales. Actuellement leur salaire est de 40.000 f CFA/mois (62€). Dans la région de Mopti il y a aujourd’hui 339 ASC.

Politique de recrutement de nouveaux agents de santé

La région de Mopti compte 8 Centres de Santé de Référence (dont l’hôpital de Bandiagara) et le nouvel hôpital régional de Sévaré, ouvert il y a 5 ans. Les régions communiquent leurs besoins au ministère, qui attribue en général la moitié des demandes. En 2017 le budget du Ministère de la Santé pour le recrutement serait de 460 000€, soit 6 fois supérieur à celui de 2016.

La politique malienne considère que le développement c’est aussi la santé. La formation des agents de santé devra être plus qualifiante et les CSCom seront équipés à terme pour des petites interventions chirurgicales. Les CSCom seront dotés d’ordinateurs et de WI-FI. Ce projet vise à ce que à terme chaque CSCom soit dirigé par un médecin.

Ce sont les fonds régionaux qui payent les agents issus du concours national pour la fonction publique. Dans le cercle de Bandiagara il y a aujourd’hui 29 CSCOM. Le rayon d’action moyen d’un CSCOM est de 15Km. Le ticket de la consultation est de 200 FCFA (0,31€). Certains médicaments sont gratuits pour les femmes enceintes et le palu. Les césariennes sont aussi gratuites.

Depuis 2011, l’assurance maladie obligatoire est promue, mais sans grand succès pour le moment dans la population. A l’inscription l’assuré paye 30% /an et l’état paye le reste (valeur méconnue).

Planning familial   

Il existe un planning familial de longue durée (5 ans), qui est gratuit pour les hommes et les femmes. Des ONG s’en préoccupent également et enseignent les méthodes. Des équipes se déplacent en milieu rural, dans les CSCOM et autour.

Avec le Dr Saye nous visitons l’Ecole des Pères Educateurs à Sévaré, soutenue par une ONG évangéliste. Elle est sous contrat avec le ministère de la santé et celui des affaires étrangères. Après la formation, la région répartit les pères éducateurs avec un bon équilibre sur le territoire. Les pères éducateurs ont une formation générale, complétée par des notions et une pratique de l’agro-écologie (maraichage et agroforesterie).

Recrutement  de nos boursiers

A l’avenir, le Dr Saye nous fera la demande de bourses selon les objectifs annuels de la région. L’accent sera mis sur des formations mieux qualifiantes. Arrive en tête la formation d’infirmières obstétriciennes, au détriment des matrones. Cependant des matrones seront toujours formées, car leur rôle social est important. Une réponse rapide doit être donnée par La Falaise, pour le nombre de matrones à prendre en charge financière pour la session de févier 2017.

Rencontre avec le Dr Abdul Karim DOUMBIA, nouveau Médecin chef de l’Hôpital de Bandiagara

Le Dr. vient tout juste de prendre la suite du Dr Kouyaté. Présentation de l’activité de La Falaise et des rapports avec ses prédécesseurs. Nous lui avons apporté deux ouvrages de médecine, qu’il avait demandés. Dans la ligne de la nouvelle politique de la santé, le Dr Doumbia considère que les matrones devraient exercer uniquement pour le lien social dans les CSCom reculés. Il estime qu’il faut former du personnel mieux qualifié. Malheureusement, il arrive que les infirmières fassent faire leur travail par les matrones, quand elles exercent ensemble, ce qui est regretté. Prochainement sera mis en place un nouveau système de collecte d’informations (DHIS) dans les CSCOM.  Le ministère de la santé essaye de sensibiliser la population aux avantages de la planification familiale et des mesures à respecter pour avoir des enfants en bonne santé. Pour cela il y a des personnes chargées du développement social. Il rappelle le rôle des ASC pour les soins essentiels pour la communauté (SEC).

A l’hôpital, nous avons également rencontré les Dr. Samaké, nouveau responsable des ASC et le Dr. Moussa Diarra de l’hôpital privé de Kamba (où exerce A Dougnon, ancien boursier, qui a reçu cette année un tensiomètre de La Falaise). En août 2016 il y a 44 ASC dans le cercle de Bandiagara. Les ASC sont sous la coupe des districts et des régions. Ils sont payés par le fond PSI, Population-Santé-Internationale, sur l’initiative de l’UNICEF. Le Dr. Diarra est très content de A Dougnon, infirmier au bloc chirurgical de Kamba, ancien boursier de La Falaise. Le Dr connaît de réputation d’autres anciens boursiers de La Falaise.

Rencontre avec le Dr Issa Sanogo Directeur Adjoint de la Santé de la région de Kayes.

Il est en charge de la planification. Etait également présent le Dr Théophile Coulibaly chargé de la nutrition.

Le recrutement dans la fonction publique est fait par l’état et par les collectivités locales. Mais le secteur privé embauche aussi.

Il confirme que les fonds PPTE n’existent plus. Il confirme aussi que la politique de santé de l’état est menée de front par 3 ministères : Santé et Hygiène publique, Développement Social et Promotion de la Femme. Le tout, selon les objectifs d’un plan quinquennal, est patronné par la Direction nationale des ressources humaines. En réponse au constat que nous faisons sur l’aggravation de l’hygiène publique (montagnes de déchets partout, surtout dans les zones urbaines), il donne en exemple l’activité de quelques GIE, qui distribuent des poubelles aux familles et moyennant un ticket font le ramassage.  Le traitement des déchets n’existe pratiquement pas, l’incinération sauvage reste la règle.

Les objectifs du planning familial ne sont pas atteints. Malnutrition = 8,4%, et régionalement, villes et campagnes = 10,1%. Les différents projets avec les partenaires se pratiquent sur 3 niveaux : prise en charge du curatif, sensibilisation pour le préventif et promotionnel avec des animateurs. La tendance de médicalisation des CSCom est de nouveau confirmée, mais à nous, elle nous semble lointaine. Concernant les ASC, l’état localise les destinations et à terme les collectivités locales prennent en charge le financement. Les régions de Kidal et Sikasso sont en pointe en ce domaine, situation politique oblige.

Visites de 2 CSCom de la région de Kayes (visites organisées par le GRDR).

Les deux établissements, le CSCom central de la ville de Kayes et un CSCom de campagne, sont bâtis sur le modèle traditionnel (datant de 2001). Celui de campagne est aussi bien équipé que les CSCom du pays Dogon, c’est à dire de manière rudimentaire. Le CSCom du centre ville est en cours d’agrandissement sur fonds d’une l’ASACO dynamique, qui assure le financement global, et il est dirigé par un médecin. Il possède un appareil de radiographie et un d’échographie, qui ne restera peut être pas dans le CSCom. Y font aussi office 2 sages femmes. La chaine du froid est bien assurée. Un système de ticket mensuel de consultations est en place : 1200f / mois (1,85€). Ce modèle tend vers celui de la Mutualité française. Ce CSCom fut conçu en 1993 avec les jeunes du pays, après la fin du régime de Moussa Traoré. Dans l’euphorie du moment les cotisations sont arrivées bien avant la construction du CSCOM. Les jeunes migrants et des français ont participé à la mise en place d’un GIE de Santé. Le président de l’ASACO de Kayes confirme la problématique du recrutement de personnel de santé et les difficultés avec la Direction Régionale de la Santé.

Le CSCom de campagne, non loin de Kayes, près du célèbre fort de Médine, était vide et la visite fut guidée par un stagiaire. On y pratique 6 accouchements/mois, contre 100/mois dans le CSCom du centre ville. La peinture est fraîche tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, mais l’impression de vide domine. A Kayes et sa région il y a 80% des CSCom qui sont dirigés par des médecins.

Autres Visites organisées par le GRDR (groupe de recherche et de réalisation pour le développement rural)
GRDR

Le GRDR fait depuis près de 40 ans un travail de structuration sociale et économique dans le sens du développement rural et de l’éco-agriculture. Il assure un lien social à tous les niveaux de la société y compris avec les migrants restés à l’étranger ou revenus. L‘activité du GRDR est étendue à la Moyenne Vallée du fleuve Sénégal sur les territoires du Mali, du Sénégal et de la Mauritanie. Voir CR d’Yves LB-CFSI  pour détails.

ACARE SIDA à Kayes avec l’équipe du Dr Band

Ce centre comprend une unité de soins et une équipe de terrain pour l’accompagnement. 560 patients en cours. 15 animateurs-dépisteurs issus du « milieu », dont 5 femmes. Financement par le Fond Mondial et US Aid. Dans les missions de terrain du GRDR, les gens de ACARE accompagnent. De 2012 à 2016 progression des cas de sida, de 0,7% à 1%.

Institut de Formation Santé, école d’état d’infirmiers

Le Dr Hamidou Touré directeur confirme les dires des autres professionnels. L’état et les collectivités recrutent le plus de fonctionnaires dans les domaines de la santé et de l’enseignement. Les infirmières obstétriciennes, qui partant avec le DEF (BEPC), sont préférées aux sage-femmes titulaires du bac qui sont payées plus cher. Une uniformisation des études de santé sera menée au niveau de la sous-région.

Un mot de conclusion

Depuis 2011 le Mali vit une situation de guerre par intermittence avec des soubresauts réguliers et violents. Cela a fortement dégradé l’économie générale du pays, dégradé la qualité de l’enseignement (les enseignants ont quitté les zones en danger permanent) et entièrement effacé l’économie touristique. Celle-ci, avec les emplois directs et indirects, était un appui considérable aux populations les plus pauvres et les plus dépendantes des aléas climatiques récurrents du climat sahélo-saharien. L’accès aux soins de ces populations a enregistré une forte diminution. Parallèlement, des montagnes de déchets ont couvert des zones urbaines et périurbaines. Les villages ne sont pas plus épargnés par cette situation calamiteuse de l’hygiène publique. Par conséquent, l’activité de La Falaise devrait se renforcer rapidement et les nouveaux contacts avec nos partenaires pourront assurer l’efficacité de notre appui. N’oublions pas que La Falaise agit dans un territoire ou la population est l’une des plus déshéritées d’Afrique, territoire élu Patrimoine mondial par l’UNSECO.

Enfin, il faut mentionner ici un exemple de travail collectif pour l’hygiène publique dans le village Dogon de Kalibombo, situé à 5km de Bandiagara.