Les Dogon se sont réfugiés sur le plateau vers le XIème siècle pour préserver leurs croyances. Entourés de Peul, de Mossi et Bobo et des pêcheurs Bozo, imprégnés par la tradition animiste, les Dogon ont développé une des plus fortes cultures de la région, avec une cosmogonie et une mythologie très complexes.
La linguistique nous apprend que la « nation » Dogon s’est formée entre le XVI et le XVIII siècle, à partir de migrations de multiples origines.
Avec la montée en puissance des Peul, au début du XIX siècle, le renouveau islamique se fait de plus en plus pressant y compris chez les Dogon. Cependant cette pénétration de l’islam est lente, superficielle et pacifique. En même temps, pour leur indépendance, les Dogon se replient dans les bastions formés par la Falaise. Aujourd’hui, animistes, animistes islamisés et animistes christianisés se partagent le territoire, sans qu’aucun Dogon ayant quitté en apparence l’animisme, s’en soit totalement détaché.
Dès 1931, l’ethnologue Marcel Griaule et son école ont mené des études sur la culture et l’habitat Dogon. Ces études ont montré que les structures symboliques de la pensée Dogon étaient aussi à la base de leur praxis et donc de la conception de leur habitat. Leur modèle anthropomorphique a été décelé comme le modèle spatial d’organisation des pièces d’une maison ainsi que celui du village.
Des études plus récentes, plus descriptives et pragmatiques, remettent l’habitat Dogon dans une perspective cosmologique élargie à l’ordre social et fonctionnel, qui sont envisagés comme unités distinctes d’analyse.
Par ailleurs les données topographiques jouent leur propre rôle dans l’organisation spatiale collective. Qu’ils soient établis sur le plateau ou au pied de la Falaise, les villages sont construits sur des massifs rocheux ou sur des éboulis, pour laisser à l’agriculture le peu de terres disponibles.
Pour la même raison d’économie d’espace le village est formé d’unités foncières familiales, les concessions, relativement agglomérées, par quartiers, dans un tissu dense. Au sein du village, la concession est composée d’autant de cases, modestes en superficie, que de membres adultes de la famille, chacun ayant son propre grenier.
Les constructions se font avec les matériaux disponibles sur les sites : les pierres en provenance des éboulis, le banco fait de terre et de paille broyée, quelques branches d’arbre et la paille des hautes tiges de mil pour les toits des greniers. L’entretien des constructions doit se faire régulièrement, suite aux dégâts provoqués par les pluies. Traditionnellement le banco utilisé pour couvrir les toits terrasse des maisons est mélangé à de l’huile de karité, ce qui lui confère une certaine imperméabilité.
La forme des cases et des greniers est différente, le grenier comportant la plupart du temps un toit conique. Les vues offertes par les villages dans leurs sites sont très spectaculaires. Cette force plastique est renforcée par la position défensive recherchée pour l’établissement des villages. Ils sont perchés sur des massifs rocheux, ou adossés à la Falaise en haut des éboulis. De l’adaptation aux différents sites, résultent des compositions architecturales très diverses dégageant un caractère monumental.
Suivant l’exemple des Tellem, peuplade qui les a précédés dans ces lieux, les Dogon ont construit des hauts greniers protégés par l’aplomb de la Falaise. Encore plus haut, dans les anfractuosités inaccessibles de la Falaise les Dogon placent toujours les sépultures de leurs ancêtres.
L’élément central de l’organisation quotidienne du village et du quartier est la case de la parole, la toguna. Posé sur huit poteaux (correspondant aux nombre des ancêtres, les nomo), généralement en bois sculpté, ou en pierres, le toit composé de huit épaisseurs de bottes de mil, posés à plat, est un repère lointain. Pour avoir de l’ombre et pour empêcher les hommes de s’y tenir debout, le toit de la toguna est à 1,20 m du sol. Lors de la fondation d’un village, le premier édifice bâti est la maison des femmes qui ont leur règles, la toguna n’est bâtie qu’après.
Au pays Dogon l’identité sociale de l’individu se définit d’abord par sa famille élargie, la ginna. Cette « grande famille » exogame est placée sous l’autorité du doyen de la génération la plus ancienne des descendants du fondateur du lignage. Au sein du village chaque ginna occupe un quartier dont le centre est la maison du doyen. Cette organisation sociale se poursuit par le clan et la tribu.
Chaque village animiste désigne un chef spirituel, le hogon. Enfin le « grand hogon », chef spirituel de tous les Dogon est élu par les anciens de la tribu d’Arou.
Traversant le temps et l’espace la statuaire Dogon a franchi le cercle des ethnologues et s’offre dans sa dignité hiératique dans les musées et les galeries du monde entier. Cependant, les serrures, les masques et surtout les fétiches continuent souvent de nous cacher leur message cosmologique relié à l’origine du monde selon les Dogon.
Cependant, la culture Dogon est menacée de disparaître dans un proche avenir, car nous voyons s’amplifier les problèmes climatiques (désertification croissante de cette région sahélienne), l’exode rural, les pressions de la « modernité » et les ruptures culturelles dues à l’islamisation croissante.